Et les exemples de l’impuissance ministérielle peuvent être démultipliés…. Et voici, encore, que le Ministère de l’Éducation nationale, monopolisant ressources humaines et matérielles, se lance dans une aberration, que seules la bureaucratie et l’impuissance rampantes peuvent expliquer : évaluer de force et de façon irréfléchie le corps enseignant relevant de son ministère !
Mais quel type de décision est-ce là ? Comment un ministère, lui-même responsable de la déconfiture de son secteur peut-il aller jusque rejeter sa propre responsabilité sur les enseignants, c’est-à-dire ceux-là même qu’il a recrutés et dont il devait impérativement connaitre le contenu de leur dossier, leurs conditions de recrutement et leur niveau de compétence. Sinon il aurait encore commis pire : recruter des enseignants dont il connaissait l’incompétence ! C’est une grave forfaiture qu’il entretient depuis des dizaines d’années.
Comment ce ministère, peut-il, par cette décision, avouer qu’il l’a jamais effectué de missions d’inspection pédagogiques régulières sur le écoles, collèges et lycées pendant des décennies et qu’il a laissé l’éducation patauger dans la médiocrité ?
Comment ce Ministère peut-il encore avoir une quelconque crédibilité lorsque à défaut de prendre des mesures intelligentes, respectueuses du corps enseignant, s’est trouvé un bouc émissaire tout trouvé pour se dégager de son irréfragable responsabilité de ce qui est arrivé à l’Education nationale.
Le ministre préfère humilier les enseignants que de faire son mea culpa.
Pourquoi une telle humiliation ?
Les médias font écho de cette honte d’un ministère : « des centaines d’enseignants boycottent l’évaluation du MEN »
Si les enseignants refusent de se faire évaluer, c’est bien à raison. Et tout enseignant qualifié ou pas, compétent ou pas, y sentira une véritable volonté d’humiliation du corps enseignant. Sans compter les répercussions considérables sur le respect de l’enseignant jusque par ses propres élèves. Ces derniers accepteront-ils désormais de se faire évaluer par un enseignant…qui lui-même refuse de se faire évaluer ?
C’est autant dire que, déjà, par cet acte inconscient, le MEN a profondément porté un préjudice moral sérieux aux enseignants qui pourraient d’ailleurs le poursuivre en justice pour dommages et intérêts. Cela leur fournira un complément à leur médiocre salaire duquel jamais le MEN n’a fait un cheval de bataille pour l’améliorer, alors que des députés inutiles, qui s’engraissent à l’ombre de l’Etat, sont mille fois mieux payés.
Le Ministère de l’Education nationale n’est pas lui-même un bon exemple de l’évaluateur. Truffé de faux diplômés et ayant à son actif mille et une actions (tant dans l’organisation d’examens, de concours et de leurs résultats) fort critiquables, le MEN devra d’abord lui-même être évalué.
En effet, la question vitale est : les évaluateurs sont-ils capables d’évaluer les évalués ?
Dans l’Éducation nationale en Mauritanie, la médiocrité est telle que nul n’est censé être capable d’évaluer autrui s’il n’est pas d’abord évaluable lui-même. D’où le paradoxe d’une évaluation en queue de poisson.
Et puis les examens et tests d’évaluation pour des enseignants titulaires ou contractuels déjà en activité sont véritablement frustrants sinon simplement humiliants !
Ce qu’il faut faire c’est que le MEN planifie une année d’inspection pédagogique rigoureuse (programmée et/ou spontanée) des écoles, collèges et lycées au cours de laquelle des inspecteurs qualifiés, triés sur le volet, assisteront aux séances de cours et fourniront des rapports circonstanciés d’évaluation du service sur les enseignants. Et si des cas nécessitent une convocation, qu’elle soit individuelle et discrète.
Il y va du respect de l’enseignant et de son image qui, déjà, a été fortement détériorée dans la société mauritanienne depuis l’arrivée des régimes militaires au pouvoir et les politiques successives de médiocratie éducative.
Enfin, il faut dire que si le MEN avait fait son travail durant les 30 dernières années (réaliser des inspections programmées et/ou inopinées dans les écoles, évaluer sur le terrain les enseignants, renforcer leurs capacités, les mettre à niveau etc.…), rien de tout cela ne serait arrivé !
Mais on préfère humilier que de s’humilier. Hélas ! Dans la médiocrité, la forme pronominale est toujours la moins usitée.
Honte, d’un ministère, frustrations d’enseignants. Dans quel pays sommes-nous ? Un pays où les décisions ministérielles sont irréfléchies et ne visent qu’à redorer l’image de celui qui les prend quitte à piétiner les citoyens et faire bonne figure auprès du Président de la République.
En vérité, le pays va à la dérive et le citoyen n’est plus un objectif des pouvoir publics. Les ministères n’ont d’objectifs que de dépenser leur budget, à travers une administration incompétente, permettant tous les abus, pourvu que le ministre reste en place. La survie d’une personne au détriment des intérêts d’un Nation.
Et si, parait-il, au dernier conseil des ministres, Ghazouani a tapé du poing sur la table, il doit savoir que ce n’est pas la table qu’il doit désormais viser.
Pr ELY Mustapha