La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) vient d’annoncer, dans un communiqué de presse, qu’elle commencera à verser l’augmentation décidée par Son Excellence le Président de la République sur les pensions de vieillesse à partir de ce mois de février, de sorte que la généralisation soit achevée le premier avril de l’année en cours.
A ce sujet, le quotidien Horizons a interrogé le Directeur Général de la CNSS, M. Sidi Ethmane Ould Mohamed El-Mamoune sur la teneur de cette majoration dans un entretien dont voici le texte intégral :
HORIZONS: Déjà plus d’un mois que le président de la République a annoncé une augmentation de 100 % des pensions des retraités. Pourquoi la CNSS a tardé la mise en œuvre cette décision ?
Directeur général de la CNSS : Tout d’abord, je remercie le journal HORIZONS de m’avoir donné cette occasion pour parler de cette décision d’une dimension nationale, et qui est intervenue en application des directives de Son Excellence le Président de la République, Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazwani, contenues dans le programme « TAAHOUDATI », visant l’amélioration des conditions de vie des couches les plus vulnérables, notamment les pensionnés soumis au régime de sécurité sociale géré par la CNSS.
En réponse à votre question, je voudrais mentionner que la procédure décisionnelle en ce qui concerne les politiques de sécurité sociale diffère de celle relative aux retraités de la fonction publique.
En effet, tout changement dans les politiques sociales soumises à la législation en matière de sécurité sociale nécessite l’approbation des partenaires sociaux. Ainsi immédiatement après l’annonce faite par Son Excellence le Président de la République, notre département a pris les mesures nécessaires pour la mise en œuvre de cette décision, ce qui requiert l’amélioration de la situation financière de l’institution, afin qu’elle puisse supporter toute éventuelle augmentation. Pour cela les partenaires sociaux se sont réunis le 17 novembre 2020 et ont décidé suivant procès -verbal, le relèvement du plafond des cotisations sociales à 15 000 MRU au lieu de 7 000 MRU, à compter du 1er janvier 2021, suivi de l’adoption par le gouvernement du décret n° 186 du 11/221 fixant ce nouveau plafond.
En ce qui concerne l’application de l’augmentation, les partenaires sociaux ont convenu, après les résultats de l’étude des modalités de l’augmentation des pensions, de signer un procès-verbal en date du 17-11-2021 contenant une proposition d’augmentation des pensions.
Cette proposition a été concrétisée par la décision du Conseil d’Administration de la Caisse nationale de sécurité sociale en date du 29 décembre 2021 portant augmentation de 60 % des pensions principales et dérivées appliquée à l’intégralité de la pension, et ce à compter du 1er janvier 2021.
Dans le cadre de l’application de cette décision, la Direction Générale de la CNSS a procédé à compter du 1er février et après avoir reçu l’approbation de la tutelle financière le 24/01/2022, au paiement des montants résultant de cette décision à compter de janvier 2021, soit la même date à partir de laquelle l’augmentation s’est appliquée en faveur des retraités de la fonction publique.
Cette augmentation qui s’est chiffrée à prés de 250 millions MRU, soit 2 milliards 500 millions MRO profitera, durant l’année en cours, à 24 260 pensionnés.
Il ressort de toutes ces mesures que le gouvernement s’inscrit dans une démarche continue depuis l’annonce faite par le Président de la République visant à exécuter cette augmentation.
HORIZONS : Dans le communiqué publié par la CNSS, le pourcentage d’augmentation a été fixé à (60 %) pour les retraités affiliés à la sécurité sociale, au lieu de (100 %) appliquée au secteur de la fonction publique. Y a-t-il une explication de cela ?
Directeur général de la CNSS : L’augmentation appliquée par la Caisse nationale de sécurité sociale est calculée sur l’intégralité de la pension, et non sur la pension de base.
HORIZONS: Dans le discours de Son Excellence le Président de la République a été précisé que le paiement des pensions sera mensuel, cela sera-t-il appliqué au niveau de la CNSS?
Directeur général de la CNSS : Les textes régissant la sécurité sociale prévoient l’obligation de déclarer et de payer les cotisations sociales tous les trois mois, c’est pourquoi, et afin de préserver l’équilibre financier de l’institution, la même période a été retenue pour payer les échéances dues de la même manière, et en tout état de cause, le paiement mensuel des pensions est à l’étude.
HORIZONS: Dans de nombreux pays, les caisses de sécurité sociale connaissent, généralement, des difficultés financières en raison du retard dans le paiement par les employeurs des cotisations pour leurs travailleurs, en particulier dans le secteur privé. Quel est la situation de votre institution à cet égard ?
Directeur général de la CNSS : En effet, comme vous l’avez dit, la plupart des caisses de sécurité sociale dans le monde souffrent de déséquilibres financiers qui ne sont peut-être pas dus seulement, dans de nombreux pays, à la fraude, à l’évasion ou au retard de paiement mais plus à la pression des dépenses sociales ou d’assurances et à l’inadaptation des législations applicables aux évolutions sociales et économiques, notamment dans notre continent africain. Malgré l’existence de ces déséquilibres, notamment au niveau de la branche des pensions, les réserves de sécurité se sont établies au 31/12/2020 à un milliard sept cent dix millions MRU était disponible au 31/12/2020, soit 17 milliards 100 millions MRO.
Néanmoins, les déséquilibres de la branche des pensions nécessitent une politique de réformes qui commence en premier lieu par une révision de l’arsenal juridique de la sécurité sociale, qui remonte en Mauritanie à 1967 lorsque le pays était jeune et les dépenses de pension minimes.
De plus, le taux actuel de cotisation qui est de 14 % et le faible niveau du salaire soumis à cotisation sont les principaux facteurs des déséquilibres.
HORIZONS: Il y a peu d’informations relatives aux travailleurs du secteur privé, peut-on dire qu’il existe une évasion en ce qui concerne les cotisations de la sécurité sociale ? Pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur ce point ?
Directeur général de la CNSS : En réponse à cette question, permettez-moi de vous dire que l’évasion et la fraude existent dans tous les pays du monde, mais varient en gravité suivant les systèmes administratifs et judiciaires des pays.
La Caisse Nationale de Sécurité Sociale souffre de ce même phénomène, qui existe en raison de plusieurs facteurs, dont principalement la méconnaissance par de nombreux employeurs et travailleurs du rôle de la sécurité sociale, la faiblesse des moyens de contrôle ainsi que l’absence d’une législation stricte avec des textes juridiques dissuasifs lui conférant des pouvoirs accrus qui peuvent lui permettre de recouvrer les cotisations sociales et dissuader les contrevenants. Cependant, depuis que son Excellence le Président de la République a pris ses fonctions, la direction de la CNSS s’est attelée à l’amélioration du recouvrement des cotisations, en prenant un ensemble de mesures, parmi lesquelles :
– Le recrutement de 42 cadres de différentes spécialités, dont 26 inspecteurs de la sécurité sociale ayant bénéficié d’une formation à l’Ecole Nationale d’Administration, de journalisme et de la Magistrature (ENAJM)
– La dotation des agences régionales de véhicules 4×4, qui en étaient dépourvues
– L’organisation d’ateliers de formation en collaboration avec le ministère de la Justice au profit des magistrats des différents tribunaux et notamment les présidents des tribunaux du travail et les auxiliaires de justice afin de vulgariser et d’approfondir la compréhension des textes juridiques relatifs à la sécurité sociale et d’en uniformiser la lecture entre les acteurs concernés par leur application
– La tenue d’un atelier de sensibilisation et de formation sur la prévention des risques professionnels au profit des entreprises des bâtiments et des travaux publics (BTP)
Des recommandations pertinentes ont sanctionné les travaux de ces ateliers, dont celles relatives à la révision de certains articles concernant les procédures devant les juridictions et transmises au Ministère de la Justice.
Enfin, et dans le but de rehausser le niveau de la performance administrative et de moderniser les outils de gestion de l’institution, la CNSS s’attelle à accélérer le projet de numérisation, dont l’étude préliminaire a été finalisée en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT).
Par Hmeimida Mint Mohamed L