En Mauritanie, un maraîcher transforme le désert en jardin

 

En Mauritanie, un maraîcher transforme le désert en jardin

En grande banlieue de la capitale Nouakchott, Carlos Gil Casado cultive tomates, aubergines, gombos, concombres et feuilles de bissap. Un jardin vert rebaptisé El Jenna (« le paradis »).

Par Pierre Lepidi(Nouakchott, envoyé spécial)

Publié le 19 septembre 2020 à 09h00 – Mis à jour le 28 décembre 2020 à 05h28

 

 

Fatimatou Mint Deya et Mohamed Mokhtar, deux élèves de la ferme pédagogique El Jenna, à la sortie de Nouakchott, en septembre. PIERRE LEPIDI

De la maison de Carlos Gil Casado, on ne ressort jamais les mains vides. A l’entrée de sa villa à Nouakchott, sur de grands plateaux, des semis de différentes variétés de tomates jouxtent des plants d’artemisia ou de persil. Il y a deux mois, il a acheté des figues sèches chez un épicier et en a fait germer les graines.

« Si, dans quelques années, on pouvait distribuer cinq figues par jour à tous les enfants de Mauritanie, on aurait réussi un défi fabuleux ! », lance-t-il. En Mauritanie, 43,9 % de la population active a souffert d’un retard de croissance pendant l’enfance, selon l’ONU.

« Si tu veux nourrir quelqu’un, donne-lui des tomates. Si tu veux le sauver, apprends-lui à les cultiver. » Carlos Gil Casado pourrait faire sien cet adage traditionnel revu et corrigé. En ce début septembre, l’Espagnol, installé depuis dix ans en Mauritanie, vient de terminer de dispenser une formation au maraîchage. Une activité pour laquelle il réserve sa patience, lui qui, en route dans sa vieille guimbarde pour récupérer du fumier de cheval dans un centre équestre, s’impatiente dans les embouteillages de Nouakchott.

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En grande banlieue de la capitale du pays, l’homme a transformé un hectare désertique en une zone de maraîchage où poussent désormais tomates, aubergines, gombos, concombres et feuilles de bissap. Et même « du piment pour mettre dans le yassa ou le thiéboudienne », se félicite Mohamed Mokhtar, l’un des trente élèves formés par M. Casado de janvier à juillet.

Une ferme pédagogique

De janvier à juillet, la ferme pédagogique de Carlos Gil Casado a formé trente élèves. Pendant sept mois, ils ont suivi une heure quotidienne de cours théorique, puis des ateliers pratiques. Au début de sa formation, chaque élève a reçu une parcelle d’environ 10 m2 « pour créer son propre jardin en fonction d’un projet intégrant la nature des plantations, la surface cultivable et le prix des légumes à la vente », explique Mohamed Mokhtar.

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Chaque bénéficiaire a commencé par monter son propre business plan. C’est le sens du projet global de Carlos Gil Casado, financé par l’Union européenne, et mis en œuvre par Agri Sahel et le Groupe de recherches et de réalisation pour le développement rural (GRDR).

Avant de suivre sa formation, Fatimatou Mint Deya, 62 ans, était cuisinière et ignorait « comment poussaient des légumes », et même « qu’il fallait de l’eau et du soleil ». Aujourd’hui, elle garde une partie de sa production pour sa famille et vend l’autre, s’inventant au passage « une source de revenus supplémentaire ».

Du maraîchage sur un sol très aride

Comme elle, les autres stagiaires ont apprécié et se sont regroupés en coopérative au terme de leur apprentissage, « installés autour de nous, ce qui nous permet de rester en contact et de continuer à suivre leur projet », assure Carlos Gil Casado.

Lorsqu’on lui demande comment il est possible de cultiver sur un sol aussi aride, l’agriculteur-enseignant rappelle qu’« il faut de l’engrais naturel, du sable, un goutte-à-goutte bien réglé et une plante brise-vent ».

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La ferme pédagogique prouve pour l’instant qu’il est possible de faire du maraîchage à quelques kilomètres de la capitale mauritanienne, et pas uniquement le long du fleuve Sénégal, où la terre est très fertile. Autour du site, des centaines de producteurs, inspirés par la réussite de la ferme agricole, et un vaste projet gouvernemental de zone agricole périurbaine ont commencé à planter en suivant le modèle de l’Espagnol.

« Je suis heureux d’être copié, mais je le serai encore plus lorsque les Mauritaniens mangeront tous leurs propres tomates », espère Carlos Gil Casado. Il suffit d’un peu de patience.

Pierre Lepidi(Nouakchott, envoyé spécial)