02-02-2019 15:51 – Education nationale : les mêmes pratiques continuent
Le Calame – Dans son allocution prononcée au cours de la marche organisée le 9 janvier 2019, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a reconnu que l’éducation est le seul moyen capable de régler à moyen et à long terme tous les problèmes dont souffre le pays.
Cela va sans dire. Si aujourd’hui des pays comme la Norvège, le Japon et beaucoup d’autres caracolent en tête des pays les plus développés et dont les populations vivent dans le plus grand bien être, c’est tout simplement grâce à un système éducatif performant.
Au cours de ces dernières décennies les pays émergents comme le Brésil, la Russie, L’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud (les fameux BRICS) qui représentent près de 50% de la richesse créée dans le monde ou que d’autres comme le Mexique, l’Indonésie ou la Turquie sont devenus des économies mondiales de premier ordre , tout cela est dû au fait que la question de l’éducation a été mise au centre de leurs préoccupations et pour laquelle des fonds très importants ont été mobilisés.
Le propos ici n’est pas de ressasser les problèmes structurels dont souffre le système éducatif national que tout le monde connaît. Mais il s’agit juste de dénoncer une démission collective qui a plongé tous les ordres de l’école mauritanienne dans une véritable léthargie face à laquelle tous les systèmes depuis la fin des années quatre vingt à nos jours ont démontré leur incapacité totale de trouver la moindre solution.
Alors le département de l’éducation est laissé en rade , l’Etat se suffisant de temps à autre de lui parachuter un homme ou une femme en transit qui supervise sans réagir une véritable comédie dont les scènes sont savamment orchestrés par des lobbies fantômes et sataniques dont certains sont fortement encastrés depuis vingt à trente ans. Cette année, le budget de l’éducation a dépassé la cinquantaine de milliards d’UM.
Les locaux vétustes et vachement dépeints en disent long sur le désintérêt des autorités nationales et sur la gestion très douteuse des milliards qui restent après le salaire de la trentaine de mille d’employés de ce département anarchique. Les acrobaties de la direction administrative et financière et de ses services en complicité avec les responsables de ce ministère procèdent à des liquidations sur les procédures desquelles l’Inspection Générale d’Etat trouverait certainement beaucoup à dire.
A titre d’exemple, les frais de mission de quelques pauvres inspecteurs attendent depuis plusieurs mois à leur être payés sous prétexte de voyages intempestifs tantôt de la secrétaire générale et tantôt du contrôleur financier. Il y a une véritable crise de confiance dans le système éducatif national. Ses responsables sont paradoxalement les premiers à ne plus y croire depuis longtemps.
Ni la ministre ni la secrétaire générale et encore moins aucun directeur central ou conseiller ou chargé de mission du MEN n’envoient ses enfants à l’école publique. Et c’est depuis longtemps que les autres : président, ministres, hauts fonctionnaires, hommes d’affaires et autres n’y envoient plus leurs enfants. Il est évident que ce n’est pas de gaieté de cœur que tous ceux là veillent payer des écolages parfois très chers à des écoles étrangères souvent très exigeantes.
Beaucoup de problèmes de fonds ayant rapport avec l’unité nationale, la haine, le racisme et autres discours très dangereux sont en relation avec l’inexistence d’une école républicaine ou se côtoient fièrement tous les enfants d’une même nation soumis à la rigueur de la même pratique scolaire et aux contenus des mêmes curricula inspirés des réalités socioculturelles de leur environnement.
Le chantier de la refondation du système éducatif est compliqué et fastidieux. Mais cela ne justifie pas la démission dans laquelle semble se complaire les plus hauts responsables des affaires publiques. La déclaration du 9 janvier devait être suivie aussitôt de mesures très fortes, surtout au sein de ce département si important et si incontournable. Si l’éducation ne marche pas, rien ne marchera.
Ni la santé. Ni la démocratie. Ni les affaires. Ni l’unité nationale. C’est tellement évident que rien n’y fait. Les vœux pieux et les déclarations d’intentions occasionnelles ne servent strictement à rien. Au niveau de l’éducation nationale, c’est un véritable laisser aller.
Les lobbies /fossiles usent et abusent y créant de véritables déséquilibres qui affectent considérablement les fondamentaux des mécanismes de gestion efficace des structures centrales, régionales et départementales du secteur.
Le dernier mouvement des directeurs régionaux en constitue une petite illustration. Juste une toute petite. En remplacement de deux inspecteurs de l’enseignement fondamental qui dirigeaient les directions régionales du Hodh Chargui et du Guidimakha, deux professeurs de l’enseignement secondaire ont été cooptés.
Chose tout à fait normal mais qui crée un véritable déséquilibre dans le traditionnel partage de ces directions régionales entre les inspecteurs de l’enseignement fondamental et les professeurs de l’enseignement secondaire.
Mais ce qui n’est surtout pas normal, c’est l’interférence très grave d’un ministre de souveraineté qui prend tout son temps pour venir déjeuner avec sa collègue afin de lui faire parachuter comme directeur régional un proche parent déserteur depuis plusieurs années. En cela, les exemples des promotions indues et de complaisance ne manquent pas.
Dans un système qui fait de la lutte contre la gabegie un cheval de bataille des pratiques comme ça ne devraient pas être tolérables. Si tant est la gabegie ce n’est pas seulement voler de l’argent via des procédures injustifiées.
La gabegie est aussi permettre à travers des interventions connues de tous de placer des hommes et des femmes souvent sans aucun mérite à des postes pour lesquels ils n’ont aucune qualification pour le seul objectif de les faire profiter des avantages afférents à ces responsabilités.
Il n’ y a pas plus grande gabegie que de nommer des centaines de conseillers, chargés de mission et autres directeurs de cabinets dont les salaires et indemnités sont estimés annuellement à des milliards alors que réellement ils ne font que de la figuration.
Au ministère de l’éducation, ces pratiques continuent à enfoncer davantage le mammouth dont le dégraissement qui ne semble pas être pour demain requiert une très forte conviction, une volonté politique qui résiste aux épreuves et un gros remède de cheval à ingurgiter à dose unique.
El kory Sneiba, inspecteur de l’enseignement fondamental