Interview avec Lilyan Kesteloot de passage à Nouakchott qui est encore d’actualité.
« L’un de mes étudiants Sénégalais avait fait une thèse, sous ma direction portant sur l’épopée de Henoun, ce guerrier maure, noble, courageux, héroïque, mortel pour ses ennemis, mais qui est en même temps très généreux et dont la valeur première, est l’honneur ».
Lilyan Kesteloot – ou Lilyan Fongang1 Kesteloot – née à Bruxelles en 1931 et morte à Paris le 28 février 2018, est une chercheuse belge spécialiste des littératures négro-africaines francophones, un domaine dans lequel elle peut être considérée comme une pionnière.
Professeur à l’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD), puis directrice de recherches à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN – fondé en 1936 par Théodore Monod), elle se partage pendant de nombreuses années entre Dakar et Paris où elle est chargée de cours à l’université Paris Sorbonne (Paris IV).
Invitée par le CENTRE CULTUREL FRANCAIS dans le cadre de la manifestation culturelle « Lire en Fête », Lilyan KESTELOOT a présenté une conférence sur l’un des grands auteurs de la littérature africaine : Amadou Hampâté Bâ .
Lilyan KESTELOOT a fait découvrir, en pionnier la richesse de la Littérature Négro-africaine par sa fameuse » Anthologie africaine qui devient un classique de référence.
On doit à Lilyan KESTELOOT nombre d’ouvrages et d’articles sur Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, les épopées de l’Ouest africain, les mythes et contes wolofs, etc. La Lettre Pédagogique l’a rencontrée . Elle a accepté de répondre avec disponibilité et aimabilité à ses questions .
- L.P. Quelles sont vos domaines d’activité au Sénégal?
- L.K. Je donne des cours à la Faculté de Lettres où j’enseigne un cours sur la méthodologie de la recherche en littérature orale. On y apprend à travailler sur le conte,sur l’épopée et sur le mythe avec les étudiants en licence. Je leur apprends comment traiter les textes. Ce qui m’a fait un grand plaisir, c’est les efforts fournis dans ce domaine au niveau de recherche en Thèse de Doctorat avec des analyses très approfondies.
LP:Quels sont les domaines d’application de ces recherches?
L.K. Parfois les étudiants analysaient le rapport de l’épopée avec l’histoire, avec la société, avec la religion,avec l’économie et même la politique.
Ceux qui enseignent actuellement, dans la section lettres orales, à la faculté de Lettres sont généralement mes élèves.
L.P. Avez-vous déjà fait des recherches sur la littérature orale Mauritanienne?
L.K. Malheureusement non. Cependant l’un de mes étudiants Sénégalais avait fait une thèse, sous ma direction portant sur l’épopée de Henoun, ce guerrier maure, noble, courageux, héroïque, mortel pour ses ennemis, mais qui est en même temps très généreux et dont la valeur première, est l’honneur. Cette épopée est contée dans le milieu traditionnel wolof.
L.P. Madame, dans un monde en profonde
mutation, caractérisé par la science et la technologie, pensez-vous que la littérature
a encore sa place?
- K. La littérature transporte les idées comme la philosophie. C’est non seulement l’une des dimensions de la connaissance, mais c’est la plus profonde et la plus ancienne. La télévision peut transmettre des ordres ou des cotations en bourse, tandis que la littérature, elle transporte des idées complexes et l’homme n’est pas fait que de besoins, de nécessités économiques. Il a aussi des besoins spirituels et je ne vois pas en dehors de la littérature comment il peut les satisfaire. C’est pour cela que nos sociétés traditionnelles en l’absence de support écrit, ont crée la littérature orale. Cela prouve que c’est une nécessité. La littérature n’a pas de frontière. comme le confirme l’étudiant Wolof qui parle de l’épopée de Henoun.
L.P. Quel est votre statut aujourd’hui?
L.K. : Depuis que mon contrat avec la coopération a été résilié, je suis en contrat local à Dakar où je travaille depuis 20 ans. En 1975 j’ai fondé à l’IFAN un laboratoire sur demande de Senghor. Ce laboratoire est spécialisé dans les recherches dans les domaines de traditions orales et des archives orales.
L.P. Qu’est ce qui vous a frappé le plus durant votre séjour à Nouakchott ?
- K. J’ai apprécié l’attention et la passion pour le savoir des étudiants et la courtoisie des professeurs.
Lilyan KESTELOOT a apprécié notre Revue et nous a écrit une aimable note que nous publions ci-joint:
» Je salue cette initiative courageuse de la Lettre Pédagogique qui sera, je l’espère vouée à un bon avenir. Cela peut être un instrument de liaison entre les enseignants, les parents
d’élèves et les élèves, les trois composantes du système éducatif . Cette entreprise originale et privée mérite l’attention et le soutien de tous ceux qui ont à cœur le développement culturel qui, selon Senghor, doit être la finalité du développement économique . »
Lilyan KESTELOOT BP :206 à l’IFAN de l’Université de Dakar