Bassiknou, submergée par les réfugiés maliens : une crise humanitaire en plein cœur de la Mauritanie
La ville de Bassiknou, située à l’extrême Sud-Est de la Mauritanie, à plus de 1300 km de Nouakchott, se trouve actuellement dans une situation de crise humanitaire sans précédent. Depuis plusieurs mois, elle fait face à un afflux continu de réfugiés maliens, principalement des Touaregs et des Arabes, fuyant le conflit qui secoue leur pays d’origine depuis 2012. Ce phénomène a transformé cette petite localité en un centre d’accueil où les populations maliennes, déplacées par la guerre et les violences, se retrouvent dans des conditions précaires.
Les réfugiés maliens, qui ont trouvé refuge principalement dans le camp de Nberra, vivent dans un contexte difficile, marqué par une situation de survie quotidienne. Le camp, qui est sous la surveillance de la Gendarmerie nationale mauritanienne pour assurer la sécurité extérieure, abrite actuellement près de 70 000 personnes. Parmi ces réfugiés, on retrouve une grande majorité d’enfants, de femmes et de personnes âgées, des populations particulièrement vulnérables à la pauvreté et aux maladies. L’afflux massif de réfugiés a d’ailleurs exacerbé la pression sur les ressources locales déjà limitées, mettant à rude épreuve les infrastructures de la région.
Les réfugiés arrivent par voie terrestre, en traversant les villages de Fassala ou Aghor, et la ville de Bassiknou devient leur principale porte d’entrée. Ceux qui arrivent dans le camp viennent de différentes régions du Mali, principalement du Nord et du Sud, des zones dévastées par la rébellion armée qui a éclaté en février 2012. Parmi ces réfugiés, certains étaient autrefois des hommes d’affaires prospères, des artistes célèbres et des citoyens vivant dans l’opulence avant que la guerre n’emporte leur vie d’antan.
Bassiknou, jadis une ville difficilement accessible, se voit aujourd’hui transformée par l’arrivée de ces populations. La ville est désormais fortement « Tombouctisée », avec une prédominance du Tamasheq, la langue des Touaregs, qui supplante parfois le Hassaniya, langue nationale mauritanienne. Cette présence massive de réfugiés a changé la dynamique locale, mettant en lumière une solidarité accrue entre les populations locales et les nouveaux arrivants, mais aussi les défis considérables en matière d’intégration, de gestion des ressources et d’accès aux services de base comme l’éducation et la santé.
Le camp de Nberra, bien qu’un abri temporaire, continue de jouer un rôle vital pour ces réfugiés. Toutefois, les conditions de vie y restent extrêmement précaires, exacerbées par les difficultés d’accès, notamment pendant la saison des pluies, où la région devient pratiquement inaccessibile. Pour pallier ce problème, un aérodrome civil est en construction non loin du camp de Nberra, ce qui devrait faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment durant les mois de l’hivernage, lorsque Bassiknou devient difficilement joignable par les pistes traditionnelles.
Les populations du camp sont composées principalement de Touaregs issus des différentes tribus du Mali, telles que les Kel Ansar, Kel Tagayel, et Kel Ehmene, mais aussi d’Arabes venant de diverses familles comme les Lebrabiches, Oulad Oumarane et Ould Iyich. On y trouve aussi quelques Songhaïs, groupes ethniques également affectés par les violences au Mali. Cette diversité crée une mosaïque culturelle et linguistique complexe, mais elle soulève aussi des questions sur la gestion de la cohabitation et l’intégration de ces différents groupes au sein de la société mauritanienne.
Ainsi, Bassiknou devient le témoin d’une situation dramatique, mais aussi d’un véritable défi humanitaire. La Mauritanie, à travers son accueil des réfugiés maliens, incarne la solidarité régionale, mais la pression croissante sur ses infrastructures et ses ressources souligne l’urgence de renforcer l’assistance humanitaire et la coopération internationale. Il est impératif que la communauté internationale, ainsi que les autorités mauritaniennes, poursuivent et intensifient leurs efforts pour répondre aux besoins vitaux de ces populations déplacées, tout en cherchant des solutions à long terme pour garantir la stabilité et le bien-être des réfugiés et des habitants locaux.